
Les conditions de l’audition en appel d’offres ouvert
En appel d’offres, tout le monde le sait, on ne peut pas négocier. En revanche, il est possible d’auditionner les candidats pour leur demander de préciser ou de clarifier la teneur leur offre. Le juge du référé précontractuel a validé cette pratique sans reprendre les conditions posées par la DAJ.

Les articles 33 et 59 I du code des marchés publics sont clairs : en appel d’offres, il ne peut y avoir de négociations avec les candidats. En revanche, l’article 59-I autorise à demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. Cette demande peut prendre la forme d’une audition. Dans une fiche « question-réponse » publiée en avril 2011, la direction des affaires juridiques de Bercy a posé 4 conditions pour tenir une audition : « l’objet du marché doit présenter un degré de complexité suffisant pour que cette audition s’avère nécessaire ; cette éventualité doit être mentionnée dans l’AAPC ou dans le RC ; le déroulement des auditions doit garantir une stricte égalité entre les candidats ; un procès-verbal d’audition doit être établi ».
Evincée de la procédure de passation du lot 8 « courants forts et faibles-SSI » lancée par le centre hospitalier de Dinan, la société Satelec a saisi le juge du référé précontractuel. Parmi les moyens soulevés, elle soutenait que « l’égalité entre les candidats n’a pas été respectée dès lors qu’elle a été auditionnée le 16 février 2015 sans que les conditions posées par la note de la direction des affaires juridiques de Bercy ne soient remplies, qu’il n’est pas possible de s’assurer qu’il n’y a pas eu de négociation avec le candidat attributaire et qu’il appartenait au pouvoir adjudicateur de l’interroger par écrit sur les moyens humains qu’elle entendait mettre en œuvre ». Dans une ordonnance rendue le 2 avril, le magistrat rennais a écarté le moyen et balayé la note de la DAJ, car dénuée de valeur réglementaire opposable. Il a considéré qu’il résulte des dispositions du CMP « qui n’excluent pas la possibilité d’auditionner les candidats, y compris lorsque que, comme en l’espèce, une demande de précisions ou de compléments portant sur certains éléments de leurs offres leur a d’ores et déjà été adressée, que le pouvoir adjudicateur ne peut discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres ». Selon lui, « il ne résulte pas de l’instruction que le centre hospitalier René Pleven de Dinan aurait négocié avec la société attributaire au cours de l’audition ayant eu lieu le 16 février 2015 ».
Evincée de la procédure de passation du lot 8 « courants forts et faibles-SSI » lancée par le centre hospitalier de Dinan, la société Satelec a saisi le juge du référé précontractuel. Parmi les moyens soulevés, elle soutenait que « l’égalité entre les candidats n’a pas été respectée dès lors qu’elle a été auditionnée le 16 février 2015 sans que les conditions posées par la note de la direction des affaires juridiques de Bercy ne soient remplies, qu’il n’est pas possible de s’assurer qu’il n’y a pas eu de négociation avec le candidat attributaire et qu’il appartenait au pouvoir adjudicateur de l’interroger par écrit sur les moyens humains qu’elle entendait mettre en œuvre ». Dans une ordonnance rendue le 2 avril, le magistrat rennais a écarté le moyen et balayé la note de la DAJ, car dénuée de valeur réglementaire opposable. Il a considéré qu’il résulte des dispositions du CMP « qui n’excluent pas la possibilité d’auditionner les candidats, y compris lorsque que, comme en l’espèce, une demande de précisions ou de compléments portant sur certains éléments de leurs offres leur a d’ores et déjà été adressée, que le pouvoir adjudicateur ne peut discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres ». Selon lui, « il ne résulte pas de l’instruction que le centre hospitalier René Pleven de Dinan aurait négocié avec la société attributaire au cours de l’audition ayant eu lieu le 16 février 2015 ».
La possibilité de mener des auditions pour préciser la teneur de l’offre
« Je trouve un peu contradictoire, dans l’ordonnance d’indiquer « que le pouvoir adjudicateur ne peut discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres », indique maître Xavier Bigas, avocat au cabinet Lyon-Caen & Thiriez. Selon lui, « discuter renvoie à un échange alors que les précisions, c’est plus des questions/réponses. C’est un mot « un peu glissant » alors que le principe, c’est l’interdiction de négocier en appel d’offres ». « Si l’on part du principe que le pouvoir adjudicateur ne doit pas rompre l’égalité de traitement entre les candidats, il n’y a alors rien de plus suspicieux que de demander oralement des précisions. Il n’y a aucune garantie que l’offre n’ait pas été négociée, relèvent Julien Bonnat et Sophie Costard, avocats au cabinet Avoxa. En l’espèce, on a une demande écrite de précisions puis une audition avec seulement deux candidats en lice. On ne sait pas dans quelle mesure, le pouvoir adjudicateur n’a pas « négocié », alors que c’est interdit par le code. Pour le magistrat, il ne faut pas tenir compte de la note de la DAJ qui n’a aucune valeur. Toutefois, cette note est assez logique. Elle autorise l’audition à certaines conditions, notamment l’établissement d’un procès-verbal, et ce afin de vérifier que l’égalité de traitement n’a pas été rompue », estiment les avocats.Emeric Morice, avocat associé au cabinet Symchowicz-Weissberg & associés, n’est pas choqué par la position adoptée par le juge. « Cette ordonnance confirme la possibilité de faire des auditions en appel d’offres. Si la DAJ dans sa fiche énumère une série de conditions pour s’assurer de la régularité d’une audition en appel d’offres, le juge n’est pas obligé de la suivre. D’ailleurs, rédiger un PV est un garde-fou salutaire, mais son absence ne rend pas pour autant la procédure irrégulière. Penser l’inverse, reviendrait à faire peser systématiquement une présomption d’irrégularité de l’audition en appel d’offres en l’absence de PV », estime-t-il. Pour ce qui est du nombre de candidats auditionnés, « dès lors qu’il ne s’agit que de solliciter des compléments, on peut comprendre que la personne publique ne soit pas obligée de solliciter des précisions orales de tous les candidats. Seules les offres qui ne sont pas claires ou qui méritent des précisions doivent faire l’objet d’une demande », ajoute-t-il. Maître Pierre-Alexis Ramaut, avocat associé au cabinet Cornet Vincent Segurel, rejoint son confrère sur ce point. « Dans le cadre d’une audition, la personne publique n’a pas à demander à une entreprise de compléter son offre si celle-ci est déjà claire, et peut donc limiter l’audition aux candidats auprès desquels elle souhaite recueillir des précisions. De plus, la société requérante se base sur l’absence d’écrit pour dénoncer une négociation « déguisée ». Mais l’article 59 I du CMP ne précise pas la forme que doit revêtir ces demandes de précisions. La forme écrite n’est pas imposée par le CMP, relève l’avocat. Toutefois, concède-t-il, il est plus prudent de rédiger un compte-rendu à l’issue des auditions. Ne serait-ce que pour éviter toute difficulté ».ce n’est pas parce qu’il y a eu audition, qu’il y a de facto négociation
Comment prouver que l’audition n’a pas abouti à une négociation ?
Pour le magistrat rennais, « si la société requérante allègue que l’entreprise JPF Industries aurait ajusté son offre sur le volet des moyens humains à l’issue de discussions menées avec le pouvoir adjudicateur lors de cette audition, elle n’apporte à l’appui de cette allégation aucun commencement de preuve ». « On a un renversement de la charge de la preuve. La position du juge conduit à faire peser sur le requérant la preuve d’une négociation. C’est une réelle souplesse accordée aux personnes publiques. Pourtant c’est au pouvoir adjudicateur de montrer qu’il a bien respecté le principes d’égalité de traitement entre les candidats et que cette audition n’a pas conduit à une modification de l’offre », martèlent Julien Bonnat et Sophie Costard.Xavier Bigas estime également que cette ordonnance pose un problème. « Comment vérifier que les auditions n’ont pas permis de modifier les offres ? Si le requérant veut invoquer une violation du principe d’égalité pendant les auditions, cela risque d’être compliqué en référé précontractuel. La difficulté, ajoute-t-il, est d’avoir un commencement de preuve qui forcerait l’acheteur public à se justifier. S’il n’y a pas de compte-rendu des auditions, c’est délicat. En effet, tant que le contrat n’est pas signé, l’offre de l’entreprise retenue n’a pas à être communiquée de même que le contrat dans son ensemble, remarque l’avocat. De plus, le rapport d’analyse des offres, qui, lui, pourrait être communiqué avant la conclusion et étudié dans le cadre d’un référé précontractuel, pourrait ne pas faire état de ce qu’il y a eu une première offre puis une seconde modifiant la précédente. Quant au PV de réception des offres, il n’a pas pour vocation de les analyser en détail », précise maître Bigas. « La société requérante n’a pas été capable d’établir sur quels points il y aurait eu négociation, souligne Pierre-Alexis Ramaut. En outre, le marché a été attribué sur la base de l’offre initiale et non d’une offre prétendument modifiée. Certes rapporter la preuve d’une possible négociation est compliquée, car la société n’a pas accès à toutes les informations. Mais le requérant doit établir un manquement aux obligations de mise en concurrence, et ne peut se contenter de simples affirmations pour remettre en cause une consultation». Et maître Morice d’ajouter : « c’est à l’entreprise d’établir que l’audition a abouti à une négociation. La démonstration appartient au requérant. Le raisonnement est le même que pour les offres non conformes. Dans cette hypothèse, ce n’est pas à la collectivité de montrer que l’offre est conforme. De plus, poursuit-il, en l’espèce le candidat n’a pas réussi à prouver que l’audition s’est transformée en négociation. En la matière, le juge doit raisonner au cas par cas. C’est au regard d’un faisceau d’indices que le magistrat va évaluer la régularité de la procédure. Il vérifie dans les faits si l’audition était bien une simple demande de précisions et pas une négociation ».Si le requérant veut invoquer une violation du principe d’égalité pendant les auditions, cela risque d’être compliqué en référé précontractuel


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