Appel d'offres : on peut demander au candidat de réaliser un test

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Rien n‘interdit au pouvoir adjudicateur de demander aux candidats de réaliser un test dans le cadre de la présentation de leur offre. A condition que cela n’aboutisse pas à une négociation et que la confidentialité des offres ne soit pas violée.

En août 2014, l’AP-HP a lancé une procédure d’appel d’offres pour la passation d’un marché de prestations de contrôle de qualité externe réglementaire sur des équipements d’imagerie et de radiothérapie. Deux critères ont été retenus : le prix et la qualité des prestations. Au titre de ce second critère, il était demandé aux candidats d’effectuer un contrôle de qualité externe partiel sur une de ses installations de l’AP-HP. Ces essais étaient organisés après l’ouverture des offres et donnaient lieu à la rédaction d’un rapport d’analyse. Saisi par un candidat évincé, le tribunal administratif de Paris a annulé l’ensemble de la procédure au motif que cet essai n’était autorisé par aucune disposition du code des marchés publics relative aux appels d'offres ouverts. Comme l’avait souligné le rapporteur public, Bertrand Dacosta, la question qui se pose ici est de savoir s’il est possible de demander à un candidat de fournir en guise de test une prestation de service afin d’évaluer la valeur technique de son offre ? Par une décision rendue mi-juin, le CE a jugé que « ni les dispositions de l'article 49, ni aucune autre disposition ou principe n'interdisaient à l'AP-HP d'exiger des candidats la réalisation d'essais dans le cadre de la présentation de leur offre ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué par la société requérante que les essais auxquels ont été soumis les candidats auraient donné lieu à une négociation avec le pouvoir adjudicateur et à une modification de leur offre, en méconnaissance des dispositions du I de l'article 59 du code des marchés publics ». De plus, ajoute la haute juridiction, « il ne résulte pas de l'instruction que la confidentialité des offres présentées par les différents candidats aurait été violée par l'organisation des essais, lesquels se sont déroulés séparément pour chacun des candidats sans qu'un candidat ne puisse connaître la teneur de l'offre de ses concurrents ».

L’article 49 étendu aux tests

« Certes cette décision n’est pas une révolution, observe maître Laure Thierry, avocat au cabinet Vedesi. Il s’agit surtout d’une interprétation extensive de l’article 49 du code des marchés publics. Cette disposition vise plutôt les marchés publics pour lesquels il faut livrer quelque chose, comme les marchés de fournitures». La pratique des tests sur des marchés de fournitures n’est pas rare. « Le CE étend la logique de l’article 49 du CMP aux tests dans le cadre d’un marché public de service. En l’espèce, l’essai portait sur l’objet même du marché à savoir, un contrôle de qualité externe partiel sur une de ses installations de l’AP-HP. Pour ce faire, la haute juridiction se fonde sur une règle classique : ce qui n’est pas interdit est autorisé », relève Laure Thierry. Ainsi, selon elle, rien n’interdit de mettre en place des tests dans le cadre d’un appel d’offres. « Le CE, avec cette décision, fait preuve d’un certain pragmatisme en étendant aux marchés de services les dispositions de l’article 49 applicable aux fournitures. De plus, il introduit de la souplesse dans de le cadre de l’appel d’offres. Toutefois, précise l’avocat, il prend soin d’encadrer cette possibilité. Trois verrous sont posés afin de sécuriser la procédure : cela ne doit pas aboutir à une négociation, il faut respecter la confidentialité des offres et le respect de l’égalité de traitement ». « Cela permet à l'acheteur de mieux apprécier si l'offre va répondre au besoin. En matière de développement et d'intégration en informatique, cela apporte une sécurité importante et évitera des difficultés en cours d'exécution. Cela revient effectivement, pour des PI ou des MI à demander l'équivalent d'échantillons en FCS. Il faut simplement garantir le respect de l'égalité de traitement et la protection du secret industriel et commercial », estime Bénédicte Ferrari, coordinateur des achats à la CNAMTS.

Des pièges à éviter

« Le test ne doit pas être un début d’exécution de la prestation, met en garde Laure Thierry. Le test permet une mise en situation, comment déduire alors qu’il n’y aura pas de début d’exécution du marché ? » s’interroge l’avocat. Même interrogation du côté de Kamel Zeriahene, chargé de portefeuilles marchés publics à la mairie de Meudon. « J’aimerai bien voir la solution du conseil d'Etat : comment utiliser un critère de test sans que cela soit un début d'exécution des prestations ? Cela sous-entend que le test soit fictif ou du moins sur une opération fictive. Celle-ci ne devra donc jamais avoir lieu durant l'exécution du contrat ? ». Autre mise en garde de l’avocate : « il faudra l’utiliser avec modération car cela complique le marché et alourdit la procédure : organisation du test, allongement des délais…De plus, si le test implique un investissement significatif, il faudra prévoir une indemnisation du candidat, comme le prévoit l’article 49 ».