Répondre à un marché avec des clauses sociales

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De plus en plus présentes dans les avis de marchés, les clauses sociales ne sont pas à prendre à la légère. Comment faire pour se préparer à mieux les prendre en compte ? Le Crepi Ile-de-France dispense quelques recettes. A consommer sans modération.

En matière de marchés publics, il y a les règles rigoureuses et puis aussi les usages... Les clauses sociales sont un sujet « éminemment politique », prévient Patricia Thoral, directrice du Crepi (1) Ile-de-France. Les entreprises peuvent vite se sentir dépassées lorsqu'elles répondent à des marchés intégrant de telles clauses, et ce même si celles-ci sont généralement peu pondérées. Elles se développent, donc quelques précautions sont à prendre. La CGPME et le CREPI ont donc monté une réunion d'information en février sur ce sujet. Les clauses sociales visent l'insertion d'un public particulier (demandeurs d'emploi de plus d'un an, bénéficiaires du RSA, jeunes sans qualification, travailleurs handicapés...) au choix du commanditaire. Les règles de la commande publique interdisent cependant à une personne publique d'imposer à une entreprise le recrutement de public en insertion issu de son territoire. Cela reste pourtant « dans les usages », constate Patricia Thoral. Les collectivités souhaitent que leurs habitants bénéficient des clauses sociales... ». Les entreprises doivent l'avoir à l'esprit quand elles formulent leur proposition.

Anticiper la mise en œuvre

thumb_logo_federation_nationale_des_crepi_0.jpgLa meilleure façon de s'y prendre est d'anticiper au maximum les moyens de mise en œuvre des clauses sociales. Avant même que le marché soit acquis. En effet, « quatre critères de performance sont utilisés dans les marchés, pour la directrice du Crepi Ile-de-France. Dans l'acte d'engagement, les entreprises doivent présenter l'encadrement, le tutorat technique proposé (formation, fonction, déroulement du tutorat...) » par rapport au recrutement de la personne en situation d'insertion. Elles ont à détailler « la manière dont elles envisagent l'accompagnement socioprofessionnel de la personne – cela ne veut pas dire qu'elles font. Par exemple pour le logement de la personne s'il y a besoin : l'entreprise compte-t-elle une assistante sociale en interne, compte-t-elle faire appel à un partenaire extérieur, etc ». La proposition de l'entreprise doit aborder également la question de la « montée en compétences de la personne, à travers des formations, un contrat en alternance, le processus d'intégration de la personne dans l'entreprise ». Le marché doit pouvoir le permettre et la proposition être en adéquation avec ce cadre. Enfin est aussi demandé aux entreprises le dispositif envisagé pour pérenniser l'emploi de la personne dans l'entreprise même ou ailleurs.

Contacter au plus tôt le facilitateur et des partenaires

Des facilitateurs veillent généralement à la bonne application des clauses sociales. L'entreprise candidate a tout intérêt à contacter celui qui suit le marché « le plus tôt possible, parfois même pendant la consultation, conseille Patricia Thoral, pour voir comment il travaille. Le facilitateur dépend des collectivités, représente le territoire et indique la manière de fonctionner des clauses. Il est le garant de la clause sociale puisque c'est lui qui indique si l'entreprise remplit bien ses objectifs et préconise les éventuelles pénalités ». Il est un acteur incontournable de la mise en œuvre de la clause sociale d'un marché et va aider l'attributaire dans cette tâche. Si l'avis de marché n’indique pas ses coordonnées, des annuaires existent sur différents sites (2).
Pour l'exécution de la clause, l'entreprise peut recourir à divers partenaires en sous-traitant par exemple à des structures d'insertion (SIAE, ESAT...) les heures prévues par le contrat, en mutualisant avec d'autres entreprises l'emploi de la personne (3), etc. Il faut bien avoir à l'esprit que les clauses sociales « servent à recruter des personnes. Elles ne s'appliquent pas à des personnes déjà embauchées dans l'entreprise », met en avant Patricia Thoral. Autrement dit, « à chaque nouveau marché correspond une nouvelle embauche. Les heures effectuées par les personnes déjà dans l'entreprise ne comptent pas ». Mais l'entreprise n'est pas obligée de recruter directement. En passant par de la sous-traitance ou du partenariat, les modalités d'application peuvent être différentes. L'une des conditions de réussite sera de faire valider le dispositif par le facilitateur et le commanditaire public.

Vigilance sur le nombre d’heures

Enfin, l'entreprise doit être vigilante sur le nombre d'heures d'insertion demandé par le marché. Tous les contrats ne sont pas toujours cohérents avec la mise en place d'un vrai parcours professionnel. Exemple : un marché qui exige une centaine d'heures d’insertion. Dans ce cas, ne pas hésiter à penser « à l'intérim », explique Patricia Thoral. Parfois, le cahier des charges se contente de renvoyer à un document comme la charte pour l'emploi de l'ANRU ou d'indiquer des objectifs en termes de pourcentage du montant hors taxe du marché. A l'entreprise de calculer elle-même le nombre d’heures. Avec une formule annoncée par le CREPI : montant du marché HT, multiplié par la part de main d'œuvre et le pourcentage lié à la clause sociale, le tout divisé par le coût horaire moyen d'un salarié entre 25 à 30 euros. « Plus on baisse ce coût horaire, plus le nombre d'heures d'insertion augmente », prévient la directrice du Crepi Ile-de-France. Attention donc aux documents qui engagent la personne publique (ex. la signature d'une charte), aux références à ces documents et à la vérification du calcul des heures. Proposer moins que demandé dans le marché fait mauvais genre, proposer plus peut être positif.