Une charte de déontologie pour les acheteurs du Mindef

  • 04/01/2011
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Tout acheteur digne de ce nom doit connaître l’état de l’offre. La Défense a adopté, fin 2010, une charte de déontologie (à télécharger) qui donne des conseils pour rencontrer sereinement les fournisseurs et éviter toute situation ambiguë.

La gestation a été longue - près de trois ans - mais l’enfant a belle figure. Le 12 novembre dernier, juste avant de céder son ministère à Alain Juppé, Hervé Morin a paraphé un document, élaboré sous forme de triptyque, intitulé « principes de déontologie de l’achat public au sein du ministère de la Défense ». L’idée germe en 2007, lorsque la mission de préfiguration des achats du Mindef, installée au sein du contrôle général des armées (CGA), commence à réfléchir au sujet. Les contrôleurs Nicolardot et Lot (1) demandent à leur collaborateur Hervé Horiot de phosphorer sur la question. Un groupe de travail accouche d’une première trame. Lors de la création de la mission achats en 2008, c’est Bruno Meyer, commissaire principal de la Marine, qui reprend le flambeau. Comme la Délégation générale pour l’armement (DGA) possède déjà sa propre charte, il est décidé de rapprocher les deux documents. « On ne voulait pas faire une charte par service, mais bien une charte ministérielle », traduit Jean Bouverot, le patron de la mission achats. Finalement, après présentation au cabinet du ministre, la copie est revue. « A l’origine, deux textes étaient prévus. Une instruction complète signée par le ministre. Et un leaflet, condensé de la directive », poursuit-il. Finalement, la Défense décide de ne garder que le leaflet, un peu étoffé, jugé plus pratique et plus efficace. « La charte n’est pas un texte mort que personne ne lirait. La forme joue beaucoup et elle permet au document d’être facile d’accès au plus grand nombre », juge Jean Bouverot.

Rencontrer sereinement les fournisseurs

Envoyée à tous les acteurs du processus achat (acheteurs, prescripteurs, chefs de service…), soit au bas mot 3000 personnes, la charte a été accompagnée d’une lettre du ministre. « On souhaite la diffuser largement, y compris dans les entreprises », ajoute le commissaire lieutenant-colonel Marc Weltmann, qui a suivi le dossier à la mission achats après le départ de Bruno Meyer. Pour l’officier, le document innove parce qu’il demande aux acheteurs « d’acquérir une connaissance approfondie de l’état de l’offre et de travailler au contact des fournisseurs, pas de façon désordonnée mais dans un cadre réfléchi. Il faut aller à la rencontre des entreprises, c’est l’objet essentiel de la charte qui est là pour rappeler les règles ». La charte n’a pas pour but de « tétaniser » les acheteurs, renchérit Jean Bouverot. Au contraire. « Il veut leur offrir un cadre intelligent pour rencontrer l’esprit serein les opérateurs économiques. » Car ici, comme ailleurs, certains acheteurs renâclent à visiter les entreprises, à mieux comprendre leurs contingences, leurs chaines de production. Et les réticences sont nombreuses. Pour les aplanir, le document liste quelques recommandations, b-a-ba du métier de l’acheteur professionnel contemporain : savoir organiser une entrevue, maîtriser les échanges d’informations (protection du secret industriel et commercial), ne pas avantager un candidat, ne pas se retrouver en porte-à-faux, prendre garde aux conflits d’intérêts. Un comportement adéquat passe, par exemple, par l’accueil des représentants des entreprises dans une salle neutre plutôt que dans les bureaux.

Briser les tabous

« Mieux vaut éviter de les laisser seuls dans une pièce alors qu’il y a des documents liés à une consultation sur le bureau, ou sur l’écran de l’ordinateur. La fonction achats doit garantir la confidentialité », explique Marc Weltmann. « De toute façon, on apprend plus sur un fournisseur en allant chez lui », complète Jean Bouverot. Autre suggestion : éviter les rendez-vous en fin de matinée, histoire d’être invité à déjeuner. « Cela gêne toujours l’acheteur. En outre, s’il accepte un tel créneau horaire, le fournisseur pensera qu’il s’agit d’un signe. Autant décliner et proposer 14 heures, on évite le problème », préconise Jean Bouverot. « Il faut éviter tout équivoque », insiste le commissaire lieutenant-colonel Weltmann. La hiérarchie prendra d’ailleurs soin de délivrer un ordre de mission à l’acheteur, une façon de lui indiquer qu’il s’agit de se déplacer officiellement, en toute transparence, dans les locaux de l’entreprise. Et les petits cadeaux ? « Refuser un porte-clefs, un stylo logotypé ou un agenda, c’est ridicule, cela n’a pas de sens. Mais il ne doit pas pour autant décorer le bureau », avertit l’officier. La charte rappelle au passage à l’acheteur de signaler à sa hiérarchie toute tentative de pression ou de subornation. Car le document a aussi pour « vocation de briser les tabous. On peut parler de ces choses là, martèle Marc Weltmann, le texte est un outil d’information, de prévention, d’intégration des plus jeunes qui ne doivent pas tomber dans les pièges. Personne n’est à l’abri. » Toujours aux avant-postes, la Défense va certainement donner des idées aux autres ministères. « Si on sert de modèle, tant mieux, on n’est jamais contre », conclut, avec malice, le patron de la mission achats.

(1) Lire notre article : la mission des achats de la Défense orpheline

(2) Télécharger la charte de déontologie du ministère de la Défense Charte de déontologie du ministère de la Défense (1.29 MB)