Calypso 4 : la chasse aux coûts continue

  • 24/06/2011
partager :

Lancé en septembre 2009 par le service des achats de l’Etat (SAE), le programme Calypso identifie, famille par famille, les gisements d’économies rapides, en s’inspirant de bonnes pratiques du public ou du privé. Le quatrième opus a ajouté 122 millions de gains possibles aux 800 déjà repérés par les trois premières vagues.

Fabrice BlancDémarrée en mars, le quatrième épisode de l’opération Calypso (1) a fait honneur aux vagues précédentes. Les équipages ont dévoilé leurs préconisations pour leurs segments respectifs à l’occasion d’une grande conférence, accueillie par Bercy. Sur 741 millions d’euros de dépenses identifiés concernant six familles (communication, documentation, habillement, fournitures, réceptions, immobilier en région), 122 millions d’économies sont possibles, ce qui n’est pas rien en ces temps de vaches maigres budgétaires. La méthode, désormais éprouvée, n’a pas varié. Une équipe de volontaires, aidée par un parrain ou une marraine haut-fonctionnaire, établit une cartographie des familles étudiées, recueille les bonnes pratiques au sein de l’Etat, mais aussi auprès de collectivités, d’organismes publics et même d’entreprises privées, quantifie les gains possibles, sélectionne les meilleures opportunités et les classe en fonction d’une matrice enjeux-efforts, chère à Jacques Barrailler, le patron du SAE. Près de 90 personnes ont ainsi planché en interministériel. Il ne s’agit pas seulement de recenser les leviers capables de faire baisser les prix, mais également d’identifier tous les coûts cachés. Les recommandations sont souvent issues du bon sens. Encore fallait-il y penser et les mettre noir sur blanc. Définir le juste besoin, éviter la « sur qualité » demeurent des leitmotiv. Leader de l’équipage habillement (segment qui pèse 172 millions d’euros), le capitaine Fabrice Blanc (Intérieur) a promu des cahiers des charges moins « fermés » : l’acheteur a-t-il forcément besoin de tout définir jusqu’à l’épaisseur de la couture ? Mieux vaut privilégier l’objectif plutôt que spécifier des moyens que les entreprises ne maîtrisent pas automatiquement. « Il ne faut pas décrire le produit, mais ce qu’on attend du produit », a résumé François Rochet, responsable ministériel achat à la Justice.

Etre plus professionnel dans l’examen des offres

Annie MarcheixDans le secteur de l’abonnement et de la documentation (65 millions d’euros), il est fortement suggéré de migrer du papier vers l’électronique, en dépit de probables résistances culturelles. Le coût d’acheminement d’un journal impacte énormément le prix global, a rappelé Annie Marcheix, chef de la mission documentaire au ministère du Développement durable. Une petite étude sur onze titres a montré que le tarif moyen de l’abonnement électronique était inférieur de 34% à celui du papier. Du coup, les économies pourraient se monter à 5 millions d’euros. L’accent a également été mis sur la nécessité d’avoir un regard plus professionnel dans l’estimation des offres des entreprises. En matière d’achats d’espaces, il existe déjà un marché interministériel depuis 2003, dont le titulaire est Aegis-Carat. Cependant, l’appui d’un « média contrôleur », sous contrat ou externalisé, pourrait faire gagner 4,6 millions d’euros à l’Etat. « Il ne faut pas prendre pour argent comptant ce que nous propose Aegis », a justifié Philippe Jordan, membre de l’équipage « communication ». Dans la même logique, l'intervention de contrôleurs de coûts pourrait porter ses fruits. Toujours pour le secteur de la communication, l’aide d’un spécialiste, fin connaisseur du monde des agences, pourrait rapporter plus de 11 millions à la maison France, par son coup de main lors des négociations, du choix de l’offre, la vérification des devis et des factures.

Les bons plans de la mutualisation

Autre levier plébiscité qui ne surprendra personne : la mutualisation. Les différentes enquêtes menées ont, toutes ou presque, souligné la grande dispersion des fournisseurs de l’Etat. 166 rien que pour l’outillage-quincaillerie, 1245 pour les réceptions, 1371 dans le textile. Et également l’atomisation des achats. 27% des commandes d’habillement sont inférieures à 4000 €. Il y a donc du grain à moudre, y compris dans les familles d’achats habituellement qualifiées de « non-stratégiques ». En s’inspirant du ministère de l’Agriculture qui mutualise son stand avec ses opérateurs publics de tutelle, l’Etat pourrait gratter 800 000 euros sur les 6 millions qu’il dépense grosso modo lors des salons. Idem pour les abonnements presse. L’idée de créer un consortium Etat pour influer sur les offres des éditeurs a été lancée, afin d’obtenir des grilles tarifaires adaptées en fonction des utilisateurs et la taille des établissements. Gain espéré : 3,6 millions d’euros. Des regroupements de commandes ont également été préconisés pour les équipements de protection (gants, bottes) ou la quincaillerie. Dans ce dernier cas, un scenario en deux temps - marché ministériel puis interministériel, avec catalogue électronique privatif et paiement par carte d’achat - permettrait d’alléger la facture de 6,3 millions d’euros. Alors que la mode est plutôt à l’externalisation, certains groupes de travail ont prescrit, a contrario, la valorisation des prestataires internes. L’équipage « communication » a démontré, chiffres à l’appui, que les équipes maison dédiées à la création graphique, à la production d’images étaient bien moins onéreuses. Au ministère de l’Agriculture, le coût d’un reportage photo atteint environ 440 euros (en coût complet), soit moitié moins qu’une agence. Dans le cas d’une vidéo, le rapport passe de 1 à 3.


L'équipage communication

Appel aux volontaires

Cas de figure analogue pour l’organisation des réceptions. Un ministère a constaté, sur devis réalisés, l’un en interne et l’autre à l’extérieur, une différence du simple au double. L’emploi plus judicieux des outils mis à disposition par le Code n’a pas été oublié : s’engager sur des minis pour donner de la visibilité aux fournisseurs de tenues, éviter les surcoûts liés à la mauvaise rédaction des clauses financières (pénalités inadaptées, révision des prix), échapper à l’achat au coup par coup grâce aux marchés à bons de commandes pour les travaux d’entretien courants, etc. L’équipage « documentation » a par exemple insisté sur l’intérêt d’insérer, dans le cahier des charges, une clause-butoir ou une clause de sauvegarde, pare-feux utiles contre la tentation des éditeurs de gonfler inconsidérément leurs tarifs au fil des mois. Que va-t-il advenir de toutes ces idées ? Le comité des achats de l’Etat les a examinées hier. Et les actions prioritaires seront arrêtées au cours de l’été. Histoire de montrer que les projets ne deviennent pas lettres mortes, un équipage de Calypso 3 est venu, un an après, expliquer que sa réflexion sur la mutualisation des travaux d’entretien en région PACA s’était matérialisée sous la forme d’un accord-cadre (9 lots techniques, 22 zones géographiques). Dans la foulée, Jacques Barrailler a lancé un appel aux bonnes volontés. « C’est une chance assez unique, de pouvoir travailler en interministériel, de piloter des dossiers avec des dimensions innovation, originalité et conduite du changement, d’intervenir auprès d’une hiérarchie avec laquelle on ne parle pas tous les jours. C’est un véritable plus pour sa carrière ». Avis aux amateurs.

(1) Lire L’Etat met le cap sur les économies avec Calypso

Lire nos autres articles sur la question

Jacques Barrailler : « Je rêve que tous les acheteurs aient une calculette sur leur bureau »

L’Etat passe ses achats d’assurances au peigne fin