
Un tremplin de l’achat privé vers l’achat public
La société Territoires RH a eu l’idée de créer un « cycle de mobilité » destiné à former des acheteurs expérimentés du privé qui souhaitent exercer leurs talents dans le secteur public. La première promo a démarré le 18 janvier dernier.

Comment trouver un professionnel de l’achat qui ne soit pas seulement un juriste, mais un technicien rompu dans la connaissance de l’offre, un fin négociateur, apte à définir son besoin de façon claire et rédiger un cahier des charges ad hoc ? C’est l’un des casse-tête que les personnes publiques doivent résoudre. Les ouvertures de postes se multiplient alors que les « perles » demeurent rares sur le marché. C’est pour cette raison que Tony Lourenço, spécialiste du recrutement, directeur de la société Territoires RH, a eu l’idée de monter des cycles de mobilité permettant à des pros du privé de tenter leur chance dans la sphère publique. Après un premier tour de chauffe consacré aux directeurs financiers, la 1e promo estampillée « achat public » a démarré son cursus le 18 janvier. Au programme : onze mois de formation accélérée en alternance, pour en savoir plus sur les institutions, le cadre juridique et réglementaire, le périmètre de la fonction achat, les marges de manœuvre ; se mettre dans le bain avec mises en situation réelles et stages, avant d’être accompagné pour trouver un poste. Les candidats au transfert sont souvent à la croisée des chemins. Des quadras dotés d’un gros vécu, d’une motivation à toute épreuve et qui ont envie de changer d’air. A l’image de Béatrice Maucourt, acheteuse et approvisionneuse dans une société du secteur nautique : « à 41 ans, si je veux changer, c’est maintenant ou jamais ». Elle s’est documentée, lu des articles de presse, et a déjà pris des contacts pour tâter le terrain en rencontrant un maire. Elle se dit « séduite » et elle y croit dur comme fer. Après 12 ans de bons et loyaux services dans le bricolage et l’agro-alimentaire, Nicolas Melouki, titulaire d’un diplôme en achat de l’université de Londres, souhaite aussi s’orienter vers le service public, afin de trouver un « juste équilibre » en conciliant vie privée et vie professionnelle. « J’adore les achats. Et je veux apporter mon dynamisme et mon expérience dans un nouvel environnement. » Même volonté d’aller voir ailleurs d’une de ses condisciples, acheteuse dans la cosmétique et la chimie, qui se sent naturellement proche du secteur hospitalier en raison d’une formation initiale médicale, et qui se verrait bien intégrer une direction des services économiques.
Leurs atouts
Ces acheteurs venus d’un autre monde ont-ils leur chance ? Sans aucun doute. De nombreuses collectivités ont déjà recruté ou débauché des spécialistes du privé. Ancien de la grande distribution, Hubert Dugas a réussi son « transfert » dans le public : après un passage à la mairie de Lyon (1), il est depuis peu responsable des achats de la mairie d’Angers. Ancienne de Cadbury/Schweppes et d’Arthur Andersen, Estelle Cordier, coordinatrice des achats de fournitures et services à la mairie de Paris, est convaincue de l’intérêt du mélange des genres : les collectivités ont tout intérêt à recruter des gens du privé, surtout s’ils ont eu un vernis « culturel » et assimilé le Code. « Cela sera tout bénéfice. Les fonctionnaires ont rarement la connaissance de l’entreprise, ils ignorent ce que signifient les ratios financiers, quels sont les éléments qui permettent de connaître la bonne santé de l’entreprise. Ils ne savent ce qu’est un bilan par exemple.» Pour Estelle Cordier, les salariés du privé ont aussi appris à travailler dans le cadre de mode projet. « L’acheteur sait associer juristes et techniques, travailler en équipe, et pas seul dans son coin. » Les acheteurs privés sont également plus à l’aise pour négocier, ce qu’ils pratiquent couramment, et sont rôdés face au discours commercial. Des atouts dont les candidats sont conscients. « On est capable de dégager de nouvelles marges de manœuvre dans un cadre budgétaire imparti, de faire des économies, mais cette fois au profit de la collectivité », assure Nicolas Malouki. Responsable de la commande publique à la ville de Bezons (26 000 habitants, Val d’Oise), Richard Gauvrit interviendra lors du cycle. Il a suivi le même parcours, puisqu’il a commencé sa carrière dans le privé (2). « Je veux les rassurer - comme j’aurai aimé être rassuré - sur leurs capacités à s’épanouir, à créer de la valeur dans le secteur public, c'est-à-dire réduire les coûts, augmenter la capacité d’achat de l’entité publique. »
Se faire remarquer par ses résultats et non par sa posture
Pourtant l’erreur à commettre serait de débarquer avec un air supérieur, en expliquant aux autres comment il faut travailler. « Cela ne passera pas. On ne réussira qu’à braquer ses collègues », avertit Estelle Cordier. Richard Gauvrit insiste sur le « choc culturel », principal message qu’il veut transmettre. « Il faut savoir mettre de l’eau dans son vin, identifier l’environnement avant de vouloir tout remettre à plat, s’intégrer, faire profil bas, se faire remarquer par ses résultats et non par sa posture ». Une vraie remise en question quand on a vingt ans de bouteille. Mais facilitée par le nécessaire apprentissage de la réglementation qui oblige à demeurer « humble ». Richard Gauvrit insiste également sur le tempo différent entre les deux sphères. « Le processus décisionnel est plus lent dans le secteur public. Il faut intégrer cette donnée, ne pas foncer toujours à 200 à l’heure et mettre son frein à main pour s’adapter au rythme de l’organisation. » Il prône les vertus de la patience. « L’essentiel est d’obtenir le soutien politique sans lequel une politique achat n’arrivera pas à décoller. Et ne pas se décourager. Les collectivités sont en attente de ce type d’apport. Elles sont à l’écoute. » Demeure la question de l’argent, censé de ne pas faire le bonheur. L’idée communément répandue est qu’il existe une importante différence de salaires entre le privé et le public. Mais pas forcément dans le sens que l’on croit. Employée par une TPE, Béatrice Maucourt répond avec le sourire qu’en entrant dans le public, elle pourrait découvrir de nouveaux horizons et même gagner un peu plus qu’actuellement…
(1) Hubert Dugas, un acheteur public venu d’ailleurs www.achatpublic.com/news/2004/06/5/AchatPublicBreveInviteDuJeudi.2004-06-30.0729/view
(2) Bezons s’offre les services d’un ancien acheteur privé www.achatpublic.com/news/2005/10/5/AchatPublicBreveALaUne.2005-10-28.5543/view
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Le dossier de septembre 2004 : Acheteur public : le nouveau mouton à cinq pattes
www.achatpublic.com/news/2004/09/1/AchatPublicDossier.2004-09-01.0502/view


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