
Le SPASER : une commande publique à multiples enjeux pour un achat peu efficace ?

« Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire » Mickey 3D (respire)
Les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) fleurissent. Normal, me direz-vous puisque c’est une obligation législative (CCP, art. L. 2111-3). Et qu'il y a davantage d’entités concernées mécaniquement depuis que le seuil a été abaissé à 50 millions d’euros d’achat annuel.
Dans ce champ se trouvent notamment les établissements publics de santé, rappelle il y a peu la Chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes (CRC ARA) (relire " Etablir un SPASER : une obligation aussi pour les établissements de santé)".
Un facteur dynamique
La rédaction observe néanmoins un engouement à l’égard de cet outil, qui est certes obligatoire, mais pour lequel il n’existe pas de mesures coercitives en cas de manquement. Le but , derrière cet exercice, c'est de créer une dynamique au sein des collectivités publiques pour se saisir des enjeux d’achat durable et responsable (relire "La résilience du nouveau décret AGEC : atteindre sans entrave les objectifs fixés").
Le SPASER s’avère être en effet une opportunité pour celles-ci de pousser les élus, les services achat et juridique, et les services prescripteurs à réfléchir à ces problématiques. D’autant plus que les élus ne sont pas toujours impliqués (pleinement) dans l’achat public (relire "[Interview] Benoit Mercuzot : « Les élus ne peuvent pas être étrangers au process d’achat public ! »").
Nombreux sont les témoignages qui mettent en avant cette vertu, venat aussi bien d'agents de grandes que de petites collectivités. Dernièrement, c’est la ville de Cuers (moins de 15 000 hab.) qui explique dans nos colonnes leur démarche et les axes qu'elle souhaite poursuivre à travers son schéma (relire "Spaser : Cuers champion de France !").
Nous nous sommes fait écho aussi en ce début du mois de la volonté de la région Nouvelle Aquitaine de faire du rétrofit de ses cars scolaires. Un besoin qui découle directement de leur SPASER (relire "Faire du rétrofit sans se ruiner… l’objectif ambitieux de la région Nouvelle Aquitaine').
Bordeaux Métropole et la cité girondine conçoivent aussi leurs achats en tenant compte de leur schéma (relire "Bordeaux : ville et métropole déploient leurs ambitions dans un nouveau Spaser"), comme en atteste notre article du jour (lire "Bordeaux Métropole - Le masque biosourcé et biodégradable boosté par l’achat innovant").
Prévoir des indicateurs
Yorick Guinebert, auteur d’un mémoire labellisé "document de référence" par le Ministère de la Transition écologique, s’interroge sur l’efficacité d’un SPASER. Selon lui, il « doit être actionnable, mesurable et surtout partagé. Il doit créer une dynamique entre les élus, les services, les entreprises locales et les autres collectivités, pour que la commande publique devienne un vrai moteur de transition » (relire"Interview Yorick Guinebert : « Un Spaser efficace, c’est un outil SMART »").
Des indicateurs... c'est indispensable ! insiste également la CRC ARA. Il ne suffit pas d’énoncer des objectifs sociaux-environnementaux afin que le document puisse être considéré comme un SPASER (relire"Pas d’indicateurs, pas de SPASER !").
D’après l’autorité financière Île-de-France, le « SPASER détermine des objectifs de politique d’achat comportant des éléments à caractère écologique et contribue à promouvoir l’économie circulaire. Il doit comporter des indicateurs quantitatifs et des objectifs cibles en matière d’achats écologiquement responsables et de recours à des entreprises solidaires » (relire "Elaboration d’un SPASER : une exigence examinée rappelée par la CRC Île-de-France").
Quelle vertu pour l’environnement ?
Mais qu’en est-il de la preuve qu'ont ses impacts issus d’achats réalisés à l’aune d’un SPASER sur l’environnement, notamment sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (l’enjeu planétaire) ?
Une question sous-jacente depuis la publication en décembre des observations de la Cour des comptes sur "la prise en compte des enjeux du développement durable dans les achats de l’Etat (relire "Verdissement de la commande publique : une politique achat peu durable à l'avenir ?"), qui dénonce une absence de données en la matière.
A l’exception des achats immobiliers, « les initiatives permettant de prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre dans le choix du candidat à un marché public sont encore balbutiantes », observe la juridiction financière. Par ailleurs, il « n’existe donc pas de connaissance globale publique des émissions de gaz à effet de serre de l’État, et encore moins de la part que représentent les achats de l’État dans ces derniers. Une telle connaissance est pourtant indispensable afin de mesurer l’impact des nombreuses obligations pesant sur les acheteurs publics ».
Un risque de fragmenter le marché fournisseurs
Anne Perrot, Inspectrice générale des finances, et Stéphane Saussier, Professeur d’économie à l’IAE de Paris, rappellent ce constat au cours de leur audition par la Commission sénatoriale sur "les coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de leur effet d'entraînement sur l'économie française" (relire "L’enquête sénatoriale sur la commande publique au défi des paradoxes et contradictions").
Ils émettent des doutes sur la performance de la commande publique en tant que levier de politiques sociétales, sociales et environnementales. D’autres actions seraient plus intéressantes, à les entendre, comme jouer avec la fiscalité.
Par ailleurs, il existe aussi un risque de fragmenter artificiellement le marché "fournisseurs", et de réduire ainsi l’intensité concurrentielle, préviennent-ils. En somme, l’acheteur public peut être amené à payer des surcoûts. D’une part, il se peut que l'offre retenue ne soit pas celle au meilleur rapport qualité/prix, au regard des solutions sur le marché fournisseurs ; d’autre part, des coûts supplémentaires peuvent découler aussi de la préparation du contrat car concevoir des conventions à multiples enjeux nécessite une plus grande technicité des agents.
Les économistes auditionnés ne sont donc pas favorables pour une commande publique à multiples enjeux (relire "La commande publique sous enquête sénatoriale : seuils, souveraineté et analyse économique au cœur des échanges").
Pas sûr que cette conclusion ait convaincu l’ensemble des membres présents dans la salle... et qu'elles satisfassent l'ensemble de nos lecteurs !


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