L’achat de formation professionnelle : l’âge de raison

  • 06/02/2008
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Après avoir connu des années de flou artistique, l’achat public de formation professionnelle s’est nettement clarifié à la faveur du décret du 28 août 2005 qui a introduit des obligations de publicité et de mise en concurrence allégées pour toutes les prestations relevant de l’article 30 du Code. Son application est entrée peu à peu dans les mœurs. Ce qui n’empêche pas pour autant l’emploi du mécanisme de subventions dans des cas précis.L’achat public de formation aurait-il passé un cap et atteint l’âge de la maturité ? Si la réponse est positive du côté de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), qui assure la promotion et la représentation de quelque 350 organismes privés de formation, elle est moins évidente du côté des Régions qui ont hérité de cette compétence, depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. Outre qu’elles s’inquiètent du changement de régime programmé de l’AFPA (Association nationale de la formation professionnelle pour adultes – (1)), certaines Régions semblent opposées à l’idée de tout mettre en concurrence dans ce domaine et plutôt favorables à la coexistence d’un vrai service public d’intérêt général de la formation professionnelle situé hors du champ concurrentiel, parallèlement à l’offre privée, dont on ne sait s’il émergera à l’issue du processus de réforme de la formation professionnelle entamée par le Gouvernement.Décret du 28 août 2005 : un grand coup de balai dans le système de gré à gréPour la FFP, la situation s’est nettement améliorée depuis l’année 2004, grâce à la publication du code des marchés publics du 7 janvier 2004 et grâce, surtout, au décret du 28 août 2005 qui a modifié la rédaction de l’article 30 relatif aux services soumis à un régime allégé, suite à un arrêt du Conseil d’Etat qui a jugé qu’en vertu des principes de l’article 1er du Code, l’article 30 ne pouvait méconnaître les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (2). Le syndicat professionnel considère que, dès le code des marchés publics de 2001, on pouvait déduire de sa rédaction que les prestations de formation professionnelle entraient dans le champ de la commande publique sous la forme d’une procédure simplifiée. Mais, indique-t-on à la fédération, ce n’était pas très évident. Il faudra attendre la publication du Code 2004 pour que soit clairement indiqué que les prestations de formation sont bel et bien soumises aux règles de la commande publique, et plus précisément à celles définies à l’article 30, qui se limitaient alors à la seule référence aux normes homologuées lorsqu’elles existaient et à la publication d’un avis d’attribution. « Il planait encore une incertitude qui favorisait le maintien d’un mécanisme de subventions pour l’acquisition de prestations formations professionnelles », explique-t-on à la FFP. L’application du CMP ne fait plus réellement débatC’est l’arrêt du conseil d’Etat modifiant le régime de publicité et de mise en concurrence des prestations allégées qui a définitivement changé la donne. Arrêt dont une société de prestation de formation - la SARL Localjuris formation – est d’ailleurs à l’origine. Les collectivités locales se sont donc pliées petit à petit à la nouvelle réglementation : « On est passé d’une période précédent 2004 où l’achat de formation se faisait un peu à la va comme je te pousse sous forme de subventions données de gré à gré dans le cadre de conventions à la mise en place de règles claires », commente Marie-Christine Soroko, la déléguée générale de la FFP. « L’application du Code s’impose dès qu’une activité peut être qualifiée d’activité économique », confirme pour sa part la Direction des affaires juridiques de Bercy. L’insertion professionnelle, très proche du secteur de la formation, est également concernée. Le ministère des Finances a sur ce point rappelé, lors d’un colloque sur l’achat public de formation organisé par la FFP en novembre dernier, que seules les activités relevant du domaine de la protection sociale financée par la solidarité nationale peuvent échapper à la qualification d’activité économique selon la jurisprudence communautaire. Le régime de la subvention devenu marginalBeaucoup d’associations du secteur social et solidaire en charge de cette activité le contestent. Elles estiment que leurs missions, fondées sur une logique ultralocale et majoritairement subventionnées, ne devraient pas être assujetties à un régime de concurrence, même allégé, comme le prévoit le nouvel article 30 du Code 2006. Mais malgré une série d’actions lancées auprès de nombreux parlementaires dès la publication du décret pour modifier les termes de cet article, l’insertion professionnelle demeure dans le giron de la commande publique (3). La FFP estime pour sa part qu’un véritable métier s’est créé autour des prestations d’insertion et que, de ce fait, elles ne peuvent plus être envisagées sous l’angle du bénévolat et doivent entrer dans le jeu de la concurrence. L’article 30, qui se résume à un MAPA adapté, offre un certain degré de souplesse permettant aux collectivités de définir une procédure d’achat appropriée à des prestations aussi spécifiques que l’insertion et la formation professionnelles. Malgré cela, les associations spécialisées de la branche sociale et solidaire craignent que les acheteurs publics, dans le dessein de sécuriser leur activité, appliquent de façon bête et méchante les règles de l’appel d’offres. Toujours est-il que le système de la subvention subsiste, même s’il est devenu plus marginal : « Les personnes publiques ont le droit d’affecter des enveloppes sous forme de subventions pour des projets de formation très spécifiques qui sortent du lot, non pérennes et proposés à l’initiative d’une association », mentionne Marie-Christine Soroko, de la FFP. Ce que confirme la direction des affaires juridiques de Bercy.Sandrine Dyckmans © achatpublic.info, le 01/02/2008 (1) Lire l’article du dossier : « Le sort de l’AFPA en suspens » (2) Conseil d’Etat, section du contentieux, 7éme et 2éme sous-sections réunies, séance du 4 février 2005, lecture du 23 février 2005, affaire n°264712Décret n° 2005-1008 du 24 août 2005 modifiant le code des marchés publics - JO du 25/08/2005 www.achatpublic.com/dmp/decrets/AchatPublicBrevePro.2005-08-25.4426Lire : « Le Conseil d'Etat efface du Code l'alinéa 1 de l’article 30 et l’article 3-5 relatif aux contrats d’emprunt »www.achatpublic.com/news/2005/02/4/AchatPublicBreveALaUne.2005-02-23.4337(3) Lire le dossier : « Le nouvel article 30-2 échauffe les esprits »www.achatpublic.com/news/2006/10/2/AchatPublicDossier.2006-10-03.3854Lire également : « Une correction nécessaire pour respecter le droit communautaire »www.achatpublic.com/news/2006/10/2/AchatPublicDossier.2006-10-03.3854/AchatPublicArticle.2006-10-03.1546/viewhttp://www.ffp.org/