Réindustrialisation par la commande publique : les prises de position liminaires

  • 08/02/2023
partager :

Lors de ses vœux à Bercy le 5 janvier, Bruno Le Maire annonce la mise en route d’une proposition de loi relative à la " réindustrialisation verte". Il indique alors : « Nous voulons favoriser la commande publique nationale ». La veille, il expliquait qu’il s’agirait, notamment, de « promouvoir le produire français et la production européenne ».

Dans son plan d’orientation stratégique communiqué récemment, la Direction des achats de l’Etat (DAE) définit ainsi le chantier législatif : « à la croisée des deux précédents chantiers, [il] vise à appuyer la reconstruction d’un tissu industriel sur le territoire national en combinant plusieurs axes de soutien aux filières productives : facilitation administrative (ex : installation), fiscalité, subventions, commande publique, labélisation, notamment » (relire" Achats de l’Etat : 3 orientations stratégiques pour les 3 ans à venir").

En creux, on peut s’attendre à une percée, sous une forme mesurée de façon à ne pas enfreindre le droit communautaire, à instiller en une dose d’achat local dans la commande publique,percée étayée par des considérations de souveraineté. Une hypothèse très crédible, selon Me Jean-Marc Peyrical (revoir "achatpublic invite... Jean-Marc Peyrical : «Recentrer la commande publique... c’est-à-dire ?" - 9 :50 à 11:57)
 
Des logiques de souveraineté

Depuis les difficultés d’approvisionnement, notamment liées à la crise Covid, certains allient achat local et souveraineté. Ainsi, le Conseil national des achats (CNA) est convaincu qu’ « une relocalisation d’activités productives en France et en Europe sera d’abord la conséquence d’une politique et d’une évolution sur les achats et sur la demande. ». Il milite pour la relocalisation des achats stratégiques (relire "Recommandations pour une relocalisation de l'achat "stratégique"" et "Le CNA milite pour la relocalisation des achats stratégiques").

Le CNA avait établi ainsi une liste 6 ensembles d’achat à forte criticité
• Produits informatiques, électroniques et optiques ;
• Fabrication d’équipements électriques ;
• Fabrication de machines et équipements n.c.a (NDLR :"non classé ailleurs") ;
• Industrie pharmaceutique ;
• Autres industries manufacturières ;
• Industries alimentaires

Les représentant du CNA avaient même été reçus à l’Elysée ( relire "Relocalisation des achats : le CNA reçu à l’Elysée").

 
Des logiques de réindustrialisation

En juin 2022, à l’occasion d’une table ronde du BEE, pour "Bordeaux Echanges Européens", manifestation organisée par la ville de Bordeaux, Bordeaux Métropole, la CCI Bordeaux-Gironde et l’UGAP, la question était posée de façon frontale : réindustrialiser les territoires, est-ce compatible avec le verdissement de la commande publique ? (relire "Verdissement de la commande publique et ré-industrialisation font-ils bon ménage ?"

Pour réponse, Laure Bédier, Directrice des affaires juridiques, avait alors rappelé que « le code de la commande publique permet de faire énormément de choses. Le tout, c’est de savoir l’utiliser ». Thomas Lesueur, Commissaire général et Délégué interministériel au développement durable, allait plus loin : « cela ne peut pas être un objectif en soi... mais assurer la transformation de notre économie, cela passe par des logiques de souveraineté et de territorialisation de la commande publique ». Il reconnaissait, sans prononcer les termes d’ "achat local " : « Simplement en ayant des exigences de développement durable, l’achat public peut faire fonction de filtre et contribuer à ce que les entreprises sélectionnées soient moins éloignées de nos centres de décision locaux ».

Rappelons cependant que pour certains, la commande publique n’est pas nécessairement un levier pertinent, ou efficace, de relocalisation économique (relire "La capacité à stimuler la relocalisation d’activités économiques via la commande publique est réduite").
 
Une question d’abord fiscale ?

L’association France Urbaine (lire "Industrie verte : les élus des grandes villes appellent à « penser en écosystème industriel") rappelle au Gouvernement que « la plupart des métropoles et des grandes agglomérations se sont d’ores-et-déjà dotées de stratégies et de dispositifs d’accueil et de consolidation de leurs tissus industriels locaux ». Et relève un paradoxe, car « l’Etat, qui appelle à réindustrialiser la France pour assurer sa souveraineté industrielle, rogne progressivement l’autonomie financière des collectivités, qui représentent 70% de l’investissement public et sont les acteurs les plus à mêmes d’attirer les entreprises et les accompagner à s’implanter ».
C’est la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui irrite France urbaine. L'association révèle une contradiction : cette suppression « fragilise encore un peu plus le lien entre entrepreneurs et collectivités territoriales [et] risque de désintéresser les élus locaux des projets industriels ».

 
JMJ