
Une commande publique en cours d’inversion

"La simplicité est la sophistication suprême"
Léonard De Vinci
C’est curieux comme parfois nos sujets d’enquêtes ou d’interviews "s’alignent" presque spontanément. Cette semaine était sans doute placée sous le signe de l’inversion.
Léonard De Vinci
C’est curieux comme parfois nos sujets d’enquêtes ou d’interviews "s’alignent" presque spontanément. Cette semaine était sans doute placée sous le signe de l’inversion.
Tenir salon ? Pourquoi pas ?
D’abord, les "salons inversés" (lire "La commande publique de l’Etat fait sa promo en Bretagne"). C’est donc désormais à l’acheteur d’aller chercher ses prestataires, à contre-courant de l’idée commune qui voudrait que les entreprises se ruent vers des acheteurs publics pour décrocher des marchés. Les 4èmes rencontres de l’achat public en Bretagne, pour la première fois, ont pris la forme d'un "salon inversé" : les 12 principaux ministères acheteurs en Bretagne "vendent" aux visiteurs leurs programmes d’achats dans les quatre ans à venir. «C’est pour nous l’occasion de nous faire connaître », s’enthousiasment tous ces acheteurs. Si les salons inversés, ce n’est pas nouveau (relire "Opération séduction des acheteurs publics (et privés) à Bordeaux"), ils gagnent décidemment du terrain.
Est-ce aussi le signe d’une commande publique diagnostiquée inaccessible, car trop compliquée ? « L’achat public, jusqu’ici, on évitait : il fait peur. En venant ici, je cherche à démystifier pour nous-mêmes la difficulté que cela représente » témoigne dans notre reportage à Rennes le représentant d’une PME. Le risque, pour l’acheteur, c’est bien sûr les appels d’offres infructueux (relire "Nouvelle Aquitaine : l'Etat organise la lutte contre l’infructuosité"). Pour le Gouvernement (pour tous les gouvernements, passés, présentes et probablement futurs ! ), l’objectif est d’abord de renforcer l’accès des PME à la commande publique.
Organiser des salons inversés, c’est donc lutter contre un dérèglement du mécanisme de l’offre et la demande dans la commande publique.... qui ne fait pas réver les entreprises.
Est-ce aussi le signe d’une commande publique diagnostiquée inaccessible, car trop compliquée ? « L’achat public, jusqu’ici, on évitait : il fait peur. En venant ici, je cherche à démystifier pour nous-mêmes la difficulté que cela représente » témoigne dans notre reportage à Rennes le représentant d’une PME. Le risque, pour l’acheteur, c’est bien sûr les appels d’offres infructueux (relire "Nouvelle Aquitaine : l'Etat organise la lutte contre l’infructuosité"). Pour le Gouvernement (pour tous les gouvernements, passés, présentes et probablement futurs ! ), l’objectif est d’abord de renforcer l’accès des PME à la commande publique.
Organiser des salons inversés, c’est donc lutter contre un dérèglement du mécanisme de l’offre et la demande dans la commande publique.... qui ne fait pas réver les entreprises.
Fluidifier ? Sans aucun doute !
Autre inversion, plus théorique mais en réalité assez proche de la première, considérer que les règles de passation, loin de clarifier les procédures, complexifient (lire "[Interview] Les règles de passation des marchés publics sont-elles sources de difficultés d’exécution ?"). D’où, sans doute, l’idée de renforcer la place de la discussion en amont (relire "La discussion entre acheteur et opérateurs économiques nécessaire à la bonne exécution des marchés publics").
L’étude, à venir, sur la renégociation dans les contrats, menée par le professeur Saussier, pourrait conforter cette idée que les contrats bien menés ne sont pas systématiquement ceux dont la passation a été méthodiquement cadrée, mais plutôt ceux préparés en amont, tout en souplesse : « pour les uns, la renégociation est la conséquence d'une mauvaise contractualisation ; pour les autres, c'est le fruit de la coopération entre les parties» (lire "La renégociation des contrats scrutée par la chaire sur l’économie des PPP").
L’étude, à venir, sur la renégociation dans les contrats, menée par le professeur Saussier, pourrait conforter cette idée que les contrats bien menés ne sont pas systématiquement ceux dont la passation a été méthodiquement cadrée, mais plutôt ceux préparés en amont, tout en souplesse : « pour les uns, la renégociation est la conséquence d'une mauvaise contractualisation ; pour les autres, c'est le fruit de la coopération entre les parties» (lire "La renégociation des contrats scrutée par la chaire sur l’économie des PPP").
De quoi interroger les acheteurs sur leurs nouvelles missions...
Donner de la visibilité ? Assurément !
Ces recherches trouvent une forme d'écho dans le rapport parlementaire "Havet & Beaudouin-Hubière". Lequel préconise, entre autres, de rendre obligatoire la publication de plans d’achats. Des plans dans lesquels le pouvoir adjudicateur mentionnerait sa stratégie pluriannuelle de pilotage de la commande publique, ses orientations générales en matière de politique d’achat durable, et ses achats à venir supérieurs à 100 000 euros. L’objectif est de permettre aux entreprises d’avoir une visibilité sur les perspectives d’achat à court et moyen termes des personnes publiques. Selon le rapport : « Ces deux actions, sourçage et publication des plans d’achats et des SPASER, se renforceront l’une l’autre pour obtenir des achats plus efficients » (relire "Vers un achat public encore plus responsable : de nouvelles recommandations aux acheteurs").
Sécuriser : Bien sûr !
Et pour attirer les entreprises vers la commande publique, quoi de plus "évident" que de veiller à leur assurer un paiement rapide et sans anicroche. C’est là encore une "inversion" : l’affacturage inversé. Une technique selon laquelle l’acheteur confie à un établissement bancaire (le "factor"), le soin de régler rapidement ses factures et qui peut permettre au titulaire d’être payé en trois jours, voire en 48 heures.
Le rapport parlementaire "Pour une commande publique sociale et environnementale- Etat des lieux et préconisations " regrette qu’il soit encore à ce point méconnu. Il préconise en conséquence que « le réseau des DDFIP communique et accompagne les collectivités territoriales et leurs établissements publics afin de développer l’usage du dispositif d’affacturage inversé » (relire aussi "[Interview] Affacturage inversé : où en est-on ?" ).
Le rapport parlementaire "Pour une commande publique sociale et environnementale- Etat des lieux et préconisations " regrette qu’il soit encore à ce point méconnu. Il préconise en conséquence que « le réseau des DDFIP communique et accompagne les collectivités territoriales et leurs établissements publics afin de développer l’usage du dispositif d’affacturage inversé » (relire aussi "[Interview] Affacturage inversé : où en est-on ?" ).
Contourner ? Heu...
L’autre inversion de la commande publique que l’on décèle concerne les seuils. A priori, c'est " simlplement", une politique d'adaptation, et donc de diversification, des seuils. Augmenter encore certains seuils, est-ce la solution ? L’idée est à nouveau en piste pour l’achat de livres (relire "Seuil de 90 000 euros pour les livres : le ministère de la culture enquête"). Il y a aussi fort à parier que le dispositif "achat innovant", qui repose aussi sur un mécanisme de nature dérogatoire, sera reconduit (relire "Achats innovants : un bilan… et une reconduction en ligne de mire").
Augmenter les dérogations au principe général, en tenant compte tantôt d’un critère organique (par type d’acteur) tantôt d'un critère matériel (par type de segment : marchés de travaux, marchés innovant, marché de livres...), ce n’est certainement pas simplifier "le général". C’est fragiliser la règle principale. Autrement dit, ne pas attaquer le mal à la racine, si le mal identifié est la complexité. C'est le contourner. Jouer sur les seuils, c’est aussi une forme d’inversion du principe général.
Alors oui, si on venait à me demander, à moi qui suis souvent critique (je le confresse bien volontiers) : "mais que feriez-vous, vous, pour simplifier la commande publique ?", je répondrais : "Ce n’est certainement pas simplifier la commande publique que de multiplier l’exception et le dérogatoire".
Augmenter les dérogations au principe général, en tenant compte tantôt d’un critère organique (par type d’acteur) tantôt d'un critère matériel (par type de segment : marchés de travaux, marchés innovant, marché de livres...), ce n’est certainement pas simplifier "le général". C’est fragiliser la règle principale. Autrement dit, ne pas attaquer le mal à la racine, si le mal identifié est la complexité. C'est le contourner. Jouer sur les seuils, c’est aussi une forme d’inversion du principe général.
Alors oui, si on venait à me demander, à moi qui suis souvent critique (je le confresse bien volontiers) : "mais que feriez-vous, vous, pour simplifier la commande publique ?", je répondrais : "Ce n’est certainement pas simplifier la commande publique que de multiplier l’exception et le dérogatoire".


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