
Une DSP « provisoire » requalifiée et annulée
Pour qu’un contrat soit qualifié de concession, il faut que la part de risque transférée au cocontractant implique une réelle exposition aux aléas du marché. Sinon, c’est un marché public. Le Conseil d’Etat a rappelé cette condition à propos d’un contrat conclu pour la gestion du service de restauration municipale. Le délégataire ne supportant pas un risque lié à l’exploitation du service, il a requalifié le contrat en marché public.

Une requalification en marché public
La haute juridiction requalifie la convention, dénommée "concession provisoire de service public pour la gestion du service de restauration municipale", en marché public. Ce qui différencie un marché public d’une concession, c’est la rémunération du cocontractant. « Une délégation de service public est un contrat de concession […] par lequel une autorité délégante confie la gestion d'un service public à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix. La part de risque transférée au délégataire implique une réelle exposition aux aléas du marché… » (Article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales).En l’espèce, l’article 2 de la convention prévoit que "la gestion du service est assurée par le concessionnaire à ses risques et périls" et celui-ci "perçoit auprès des usagers un prix". 86% de la rémunération du cocontractant résulte des recettes perçues sur les usagers, d’une subvention forfaitaire d'exploitation annuelle versée par la commune, ainsi que d'un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune. Le risque économique ne porte que sur la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés. « Eu égard à l'existence d'un dispositif de commande des repas, prévu par la convention, la différence entre les repas commandés et les repas servis ne saurait varier de manière substantielle. En outre, compte tenu de l'objet du service, consistant en la fourniture de repas pour les cantines scolaires, pour les crèches et pour les centres aérés, et de la durée du contrat, limitée à quatorze mois, le nombre d'usagers n'est pas non plus susceptible de variations substantielles durant l'exécution de la convention. » Pour la haute juridiction, « la part de risque transférée au délégataire n'implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et le cocontractant ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l'exploitation du service. »la part de risque transférée au délégataire n'implique pas une réelle exposition aux aléas du marché
Le recours à l’urgence encadré
La convention a été passé sans publicité ni mise en concurrence, parce que la commune estimait être dans une situation d’urgence. L’article 30 du décret du 25 mars 2016 définit « de manière exhaustive les conditions dans lesquelles une personne publique peut, en cas d'urgence, conclure un nouveau marché public, notamment à titre provisoire, sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites. »Dans ses conclusions, le rapporteur public, Gilles Pellissier, relève que « la convention litigieuse a été conclue le 28 novembre 2016 à titre provisoire pour faire face à la situation d’urgence résultant de l’annulation de la précédente convention, conclue en 2014. Le jugement prononçant cette annulation, en date du 31 mars 2016, a différé son effet au 1er décembre suivant, afin précisément de laisser à la commune le temps de passer régulièrement une nouvelle convention, éventuellement provisoire.» Mais, poursuit-il, « la commune n’a pris durant cette période aucune initiative en vue du lancement d’une nouvelle procédure, attendant le dernier moment pour attribuer le marché de gré à gré. » La commune s’est donc, selon lui, placée elle-même, « par son inertie, en situation d’urgence ». Elle ne peut donc invoquer l’article 30 du décret. Reprenant la chronologie des évènements, le CE arrive à la même conclusion que son rapporteur public : « la commune n'est pas fondée à soutenir qu'elle était placée dans une situation d'urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles et extérieures à l'acheteur, au sens de l'article 30 du décret du 25 mars 2016. » En outre, ajoute la haute juridiction, « par sa durée de quatorze mois, la convention excède ce qui est strictement nécessaire pour faire face à la situation d'urgence alléguée. » La commune a donc manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Pour les sages du Palais royal, « aucune raison impérieuse d'intérêt général ne justifie le prononcé de l'une des mesures alternatives à l'annulation. » Mais, afin de préserver la continuité du service de la restauration municipale, l’annulation sera prononcée avec un effet différé de quatre mois.la commune n’a pris durant cette période aucune initiative en vue du lancement d’une nouvelle procédure, attendant le dernier moment pour attribuer le marché de gré à gré


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