
Critères occultes : 200 000 € d’indemnités accordées à un candidat
Cet article fait partie du dossier :
Evaluation des offres : sous-critères
Une société évincée d’un marché a obtenu 200 000 euros d’indemnité au titre du manque à gagner, auprès du juge administratif d’appel. La raison ? Les caractéristiques rattachées au critère d’appréciation de la valeur technique, énoncées dans le marché n’étaient pas, comme l'a fait sous-entendre l’acheteur, des éléments de la notation. Ils devaient être regardés plutôt comme des critères de sélection. A ce titre, une publicité de leur pondération s’imposait.

Eléments de notation influençant la présentation des offres = critères de sélection
Ce contentieux a mis en lumière une nouvelle fois la difficulté qu’ont certains acheteurs à distinguer la notion de sous-critère de celle d’élément d’appréciation de la méthode de notation. L’analyse des offres s’appréciait ainsi : « en fonction des critères énoncés ci-dessous (par ordre de priorité décroissante) : 1° la valeur technique (mise à disposition d’un assistant technique, qualité des prestations, sécurité alimentaire) ; 2° le prix de la prestation ». Seuls ces deux axes étaient pondérés : chacun à hauteur de 50%. Aucune précision n’était apportée par le pouvoir adjudicateur s’agissant des informations mentionnées entre parenthèses concernant la valeur technique. Selon l’entreprise évincée, ces caractéristiques étaient assimilables à des critères de sélection et, de facto, le GCS du NOT devait appliquer les règles adéquates. Elle a alors fait un recours dit "Tarn-et-Garonne" dans le but d'annuler le contrat litigieux conclu en août 2015 et de demander une réparation pécuniaire. Cette action s’était avérée infructueuse en première instance.
Le principe en la matière est le suivant :
l’acheteur doit « porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection… » (CE, 18 juin 2010, commune de Saint Pal de Mons, n°337377). Il ressort du rapport de présentation notamment que le volet "assistant technique" représentait six points de la notation sur les vingt-quatre au total (soit 25% de la note). Les juridictions du fond ont donc donné raison à la société. La pondération de ces caractéristiques auraient dû faire l’objet d’une publicité.L’acheteur doit « porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères...»
Vice devant être en rapport direct avec l’intérêt lésé
En revanche, sur la question à savoir si cette irrégularité était-elle en rapport direct avec l’éviction de l’entreprise, les magistrats du premier et du second degré ont eu une position divergente.
Pour mémoire, les tiers (hormis les préfets et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement local concerné) « sont recevables à former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité d'un contrat que s'ils sont susceptibles d'être lésés dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses - ne peuvent en outre invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent » avaient déclaré Alain Ménéménis, conseiller d’Etat, dans sa chronique (lien en bas de page) portant sur la décision SMTC Hérault Transport (CE, 5 février 2016, n°383149). Dans la présente affaire, la CAA s’est fondée sur le faible écart des notes attribuées entre le titulaire et la société évincée, 20,5/24 contre 21/24, pour répondre favorablement à la requête. D’autant que la requérante n’avait pas obtenu, contrairement à son concurrent, la totalité des points sur les caractéristiques énoncées de la valeur technique. D’après les juges d’appel, elle avait « des chances sérieuses de remporter le marché ». L’indemnisation a été calculée, à la lecture de l’arrêt, « en prenant en compte le bénéfice net qu’aurait procuré ce marché à l’entreprise ». Toutefois, la juridiction n’a pas mis fin à la convention litigieuse car notamment le vice ne portait pas atteinte à la licéité du contenu de celle-ci.Dans la présente affaire, la CAA s’est fondée sur le faible écart des notes attribuées entre le titulaire et la société évincée, 20,5/24 contre 21/24, pour répondre favorablement à la requête
Références du gérant admises pour les sociétés nouvelles au titre de l’évaluation des capacités professionnelles
A noter que dans ce litige, l’un des moyens invoqués par le titulaire (qui n’a jamais été retenu) était l’irrecevabilité de la candidature de la société évincée sous prétexte que le gérant, ancien employé de l’entreprise attributaire, avait mis en avant (à l’appui des capacités professionnelles) des références issues de ses anciennes fonctions. En effet au moment du lancement de l’appel d’offres, la société évincée, venant tout juste d’être créée, ne disposait pas en soi d’expérience dans le domaine. La CAA, en s’appuyant sur la jurisprudence Bronzo (CE, 10 mai 2006, n° 281976), a considéré la candidature valable car le gérant avait remis les pièces spécifiquement exigées dans le règlement de la consultation pour les sociétés nouvelles (lire en lien la tribune de Maître Hervé Letellier sur le contrôle des capacités des sociétés de création récente). Quoi qu'il en soit, la décision de la Cour administrative d’appel (CAA) de Nantes sera certainement difficile à digérer pour l’établissement public.
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