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Plein phare sur le secret des affaires
Cet article fait partie du dossier :
Secret des affaires
"Dire le secret d'autrui est une trahison, dire le sien est une sottise"
Voltaire
« Secret des affaires »… une formule qui fait fantasmer à bien des titres… Mais se serait verser dans un complotisme exacerbé que de s’imaginer que c’est parce qu’il y a justement une part d’ombre dans la protection du secret des affaires qu’un texte remaniant sa protection aurait été sciemment dissimulé dans le flot des textes publiés pendant la trêve des confiseurs (relire "De Noël au Nouvel an : les textes "commande publique" qu'il ne fallait pas manquer").
Le sujet, sensible pour les entreprises, n’est pas inconnu de l’acheteur public. Celui-ci maîtrise à merveille les articles L. 2132-1, L. 2332-1ou L.3122-3 du code de la commande publique. Il a bien lu, relu et digéré la fiche pratique de la DAJ "La communication des documents administratifs en matière de commande publique" (fiche mise à jour 1er avril 2019). Elle précise que sont protégées par le secret les informations économiques et financières qui ont trait à la situation économique d’une entreprise, à ses capacités financières ou à l’état de son crédit, « et, généralement, toutes les informations de nature à révéler son niveau d’activité ». L’acheteur sait (selon cette même fiche) que même l’organigramme d'une société est couvert. Et donc, très respectueux, il occulte régulièrement les mentions couvertes par le secret préalablement à la communication de tous les documents relatifs à un marché.
Une mission, des outils
Ce n’est donc pas pour répondre à un besoin de l’acheteur que le régime du secret des affaires a fait l’objet de modifications sensibles par le décret n° 2019-1502 du 30 décembre 2019. D’une part, le code de justice administrative s’enrichit d’un nouveau référé, le « référé secret des affaires». Une procédure que nous avons mise au banc d’essai de trois avocats spécialisés (lire "Nouveau référé "secret des affaires" : quels impacts ?"). D’autre part, le décret du 30 décembre assigne au juge pour mission de gérer cette exception flagrante au principe, Ô combien fondamental, du contradictoire (lire "Exception au principe du contradictoire au profit du secret des affaires").
Si le principe de protection du secret des affaires est connu, désormais encadré et sous le contrôle du juge, alors... qu’est-ce qui fait que tous les textes et décisions de justice prises en fonction du secret des affaires « chatouillent » autant la curiosité ?
Equilibre instable
Avançons plusieurs hypothèses. Renforcer la protection du secret des affaires, cela heurte de plein fouet la course à la transparence qui marque la commande publique. D’un côté, on oblige les acheteurs publics à fournir de plus en plus d’informations… Mais on leur demande aussi de proteger les intérêts des entreprises qui soumissionnent. D’ailleurs, c’était bien l’objet même de la directive "Secret des affaires" que de protéger les entreprises dans une concurrence mondiale. Au même moment, l’Union européenne se dote d’une directive pour renforcer la protection des lanceurs d’alerte (relire "L’Union européenne soutient les lanceurs d’alerte : la directive est adoptée !" et "L’Europe à la rescousse des lanceurs d’alerte")… Il y a donc là un véritable paradoxe. Le principe de transparence, c’est de donner le maximum d’informations pour justifier de ses choix ; le secret des affaires, c’est au contraire une injonction d’en donner le moins possible.
Par ailleurs, la dématérialisation de la commande publique rend aussi plus facile le renseignement économique dont toute entreprise doit désormais tirer parti (A cet effet, le très vertueux et transparent acheteur public a pris connaissance et suivra à la lettre le Guide du recensement des marchés publics, que la DAJ vient de mettre à jour : lire "Recensement des marchés publics : consultez le nouveau guide". La recherche d’information est stratégique ; la gestion de l’information l’est désormais tout autant...
Pour répondre à ces contradictions et injonctions, la solution trouvée est de recourir au juge. Le référé "secret des affaires" se pose alors en solution réaliste qui permettra aux acheteurs publics, soucieux de voir leurs marchés survivre aux recours des candidats évincés ; aux entreprises, soucieuses de préserver leurs secrets, de s’en remettre au juge, dépositaire des secrets des entreprises parties à un litige.
De quoi alimenter d’autres suscipions, plus anciennes mais persistantes, relatives à la peur d’un gouvernement des juges tout puissants….
Jean-Marc Joannès
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